jeudi 23 février 2023

Méga-bassines

Pour celles et ceux qui ne sauraient pas ce qu’est une méga-bassine, vous pouvez consulter le site de Bassines non merci et celui des Soulèvements de la terre. Puis venir voir par vous-mêmes les 25 et 26 mars prochains.


Macron méga-bassines

Macron mégabassines





introduire des loutres dans les mégabassines de Sainte-Soline

entonnoirs et bassines

animisme sibérien, rituel de l'ours

cérémonie perspectiviste avec Darmanin

Bassines non merci, soulèvements de la terre, Darmanin












Sources d’inspiration : « L’Animal et la mort » et « Voyager dans l’invisible » de Charles Stépanoff.

Pour expliciter le propos de cette BD, une tribune publiée par les Terrestres. Ou alors ici, moins bien mise en page : 


MEGA-BASSINES : UN AFFRONTEMENT ENTRE MONDES

 

La sècheresse hivernale que nous sommes en train de vivre et, donc, l’impossibilité pour les nappes phréatiques de se reconstituer réactualisent les débats autour des « méga-bassines ». Appelées « réserves de substitution » par leurs promoteurs, ces immenses retenues d’eau en plastique - dont l’une des plus grandes, à Sainte-Soline, compte s’étendre sur seize hectares - doivent aider l’agriculture à surmonter les sècheresses qui s’annoncent de plus en plus sévères en captant l’eau dans les nappes phréatiques l’hiver pour faciliter l’irrigation en été. Les controverses qu’elles suscitent se focalisent en général sur leur efficacité réelle et sur leurs possibles effets secondaires[i]. Si ces questions techniques sont importantes, elles ne doivent pas masquer des enjeux politiques beaucoup plus vastes : les bassines cristallisent et révèlent un affrontement entre mondes, entre des désirs antagonistes quant à la manière de composer un monde commun.

Depuis le milieu du XXe siècle, le nombre d’agriculteurs et d’agricultrices a fondu, passant de 30% des actifs en 1955 à moins de 2% aujourd’hui, tandis que la taille des exploitations a explosé ainsi que, bien sûr, leur niveau de mécanisation. Derrière un discours de légitimation qui insistait sur la nécessité de nourrir la France, d’exporter, de délivrer l’humanité des tâches pénibles liées au travail de la terre, l’industrialisation rapide de l’agriculture servait les intérêts des élites politiques et économiques. La production agricole devenait plus prévisible et rentable pour le capital, tandis que les coûts de production diminuaient, ce qui permettait de déplacer une part du budget consacré à l’alimentation vers d’autres domaines de consommation. L’agriculture se mettait au service du développement industriel en le fournissant en matière première et en lui offrant un important débouché à travers sa dépendance accélérée aux machines, aux pesticides, aux engrais de synthèse et à l’irrigation. Plus profondément, la chute libre du nombre de fermes, de paysans et de paysannes, dépossédait les populations des moyens et des savoir-faire qui leur permettaient d’assurer des formes d’autonomie matérielle les obligeant, pour survivre, à vendre leur temps et leur énergie sur un marché du travail en pleine expansion[ii]. Les humains, la terre, les plantes, les animaux et les écosystèmes entrent ensemble dans la catégorie des ressources qu’il s’agit d’exploiter le plus efficacement possible grâce à la puissance technologique[iii]. L’agriculture industrielle est ainsi devenue la clé de voute d’un rapport au monde très particulier, où une infime partie de la population est chargée de produire l’alimentation de tous les autres, et où les dominations et l’exploitation du travail s’exercent par l’effet conjoint du marché et de la dépossession des moyens d’autosubsistance. Les conditions de l’accumulation capitaliste, le désir de contrôle et de délivrance matérielle des classes dirigeantes et possédantes, sont satisfaits d’autant plus efficacement que les moyens d’autonomie des populations sont faibles et, donc, que leur dépendance au marché est totale[iv]. Les différentes réformes des retraites et de la sécurité sociale que nous connaissons participent de la même logique, d’un transfert de l’auto-organisation vers le contrôle d’État et le marché[v].

Les méga-bassines ne trouvent leur pleine signification que située dans cette perspective plus générale. Elles visent la prise de contrôle technologique du cycle de l’eau pour dégager la production de ses aléas, tout en accaparant une ressource vitale, appelée à devenir de plus en plus rare, ce qui achève de décourager toute tentation de reconstruire des formes d’autonomie territoriale dissidentes. Face au dérèglement climatique et aux mouvements contestataires, leurs promoteurs espèrent sauver pour quelques années de plus l’agriculture industrielle et, ainsi, les structures de dépendance et de domination qu’elle contribue à maintenir en place – et dont les agriculteurs et agricultrices sont paradoxalement souvent les premières victimes.

S’opposer aux méga-bassine incite au contraire à esquisser un monde où l’agriculture paysanne se déploie massivement, bien au-delà du rôle auquel la cantonne le système actuel – marché de niche pour nourrir la bourgeoisie et vitrine médiatique[vi]. Les activités agricoles s’y enchevêtrent avec les autres usages du territoire, impliquent de plus en plus d’habitant·es et sont organisées non plus par des normes lointaines favorables à l’agro-industrie, moins encore par des impératifs économiques, mais par des décisions collectives et territorialisées. Le paysage, replanté de haies, creusé de fossés et de mares, se fragmente et se diversifie, se tisse de nouvelles alliances entre humains et non-humains. Le « progrès » ne consiste plus à se substituer technologiquement aux dynamiques naturelles mais à construire une coopération pacifiée avec elles. On affronte le dérèglement climatique et les sécheresses avec les écosystèmes et non contre eux, en comptant d’avantage sur les savoirs situés que sur la simplification gestionnaire. Retrouver localement des formes d’autonomie matérielle, notamment en socialisant l’alimentation, diminuer notre dépendance au marché, desserrer l’étau économique est essentiel pour reconstruire une puissance politique susceptible d’avoir un impact sur les structures qui organisent le vivre-ensemble à l’échelle nationale et européenne[vii]. Relocaliser et communaliser les processus de décision et les activités de subsistance pose les bases d’un monde soutenable écologiquement, où les interrelations entre les humains et avec les cohabitants non-humains du territoire sont plus denses, intenses et enclines à la réciprocité.

Baliser ainsi l’espace des possibles est bien sûr simpliste, mais cela permet tout de même de mieux mesurer l’ampleur de ce qui se joue autour des méga-bassines. En se territorialisant, les luttes écologistes et sociales retrouvent une dimension fondamentale, primordiale – elles touchent à la terre, l’eau, aux manières de se nourrir et d’habiter. Elles sortent du statut défensif auquel elles sont de plus en plus souvent cantonnées et redessinent les lignes de conflictualité au-delà des seuls enjeux économiques pour englober nos façons collectives d’être au monde. On clarifie ainsi ce qu’il s’agit d’affronter et de détruire ainsi que les manières de construire de nouvelles alliances et de nouvelles solidarités entre agriculteur·rices, habitant·es, naturalistes, mouvements écologistes, mouvements sociaux, pour une bascule massive vers des formes d’agriculture paysanne organiquement mêlées aux spécificités sociales, écologiques et politiques des milieux de vie.



[i] https://reporterre.net/La-pertinence-des-megabassines-est-severement-contestee-par-des-scientifiques

[ii] L’Atelier paysan, Reprendre la terre aux machines,Paris, Editions du Seuil, 2021 ; Christophe Bonneuil, La « modernisation agricole » comme prise de terre par le capitalisme industriel, Les Terrestres, 2021 : https://www.terrestres.org/2021/07/29/la-modernisation-agricole-comme-prise-de-terre-par-le-capitalisme-industriel/

[iii] Léna Balaud et Antoine Chopot, Nous ne sommes pas seuls, Editions du Seuil, 2021.

[iv] Aurélien Berlan, Terre et liberté, La Lenteur, 2021.

[v] Nicolas Da Silva, La bataille de la Sécu, La Fabrique éditions, 2022

[vi] Reprendre la terre aux machines, op. cit.

[vii] Philippe Descola et Alessandro Pignocchi, Ethnographies des mondes à venir, Editions du Seuil, 2022. 







11 commentaires:

  1. oui si seulement, mais merci d'arriver à me/nous faire rire, franchement, caustiquement, ironiquement, désabusivement, sur ces sujets pas du tout drôles. depuis la découverte de vos BD, je ne regarde plus les mésanges de la même manière, voire je rêve d'en devenir une...

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  2. Zones humides .........publication Chambre d'Agriculture en Occitanie.
    La gestion de l'eau est devenue un véritable enjeu de société tant d'un point de vue de sa qualité que de sa quantité.
    Dans le département du Lot cette problématique est étroitement liée à la présence de nombreuses zones humides.
    Par ce terme "zone humide", on désigne tout un panel de milieux qui vont de la prairie "fraîche" aux tourbières et dont le dénominateur commun est laprésence d'eau au moins une partie de l'année.

    Espaces de transition entre la terre et l'eau, les zones humides assurent de multiples fonctions :
    biologiques (milieu de vie remarquable, biomasse),
    hydrologiques (régulation des débits des cours d'eau, stockage et épuration, filtration),
    économiques, sociales et culturelles (mosaïque de milieux, paysages atypiques, activités de loisirs comme la chasse, la pêche,…).
    L'intérêt de ces milieux est aujourd'hui bien connu tant pour la gestion qualitative et quantitative de l'eau que pour leu rintérêt d'un point de vue biologique et écologique.

    L'une des particularités de ces zones est qu'elles sont pour la grande majorité (à près de 80%) exploitées par des agriculteurs, le plus souvent sous forme de prairies.

    Depuis quelques années, la législation concernant ces milieux tend à se renforcer fortement alors que, dans le même temps, les besoins en foncier pour l'activité agricole se sont accentués.
    Un accompagnement gratuit pour les gestionnaires
    Une Cellule d'assistance Technique aux Zones Humides a vu le jour le 14 Octobre 2010, portée par l'ADASEA.


    Toutefois, dans un souci d'efficacité et de cohérence, des secteurs prioritaires d'intervention sont identifiés, chaque année, par le comité de pilotage.

    Tous les bassins versants du département sont actuellement concernés.

    Depuis 2012, l'ADASEA.d'Oc a entrepris d'actualiser et d'affiner les inventaires de zones humides existants sur le département du Lot. Chaque bassin versant du territoire (excepté le bassin versant du Célé qui bénéficie de sa propre démarche d'inventaire par le SMBRC) a ainsi été prospecté sur le terrain. Les zones humides en présence (présentant une végétation hygrophile naturelle) ont été cartographiées et caractérisées.

    La région Occitanie et l'Agence de l'Eau Adour-Garonne travaillent actuellement à la création d'une interface Internet permettant de consulter l'ensemble des inventaires de zones humides réalisés (sur tous les départements).
    De "bonnes pratiques agricoles"

    Plusieurs partenaires techniques viennent compléter les actions de la CATZH.

    La Chambre d'Agriculture du Lot est un partenaire privilégié. La co-animation de réunions d'information en est le premier témoin. En interaction avec les différents conseillers de secteur selon les zones prioritaires d'action, plusieurs diagnostics ont permis de mettre en avant des itinéraires techniques.

    Cette acquisition de références s'appuie sur un diagnostic agricole sur des exploitations cibles et permettent de témoigner de pratiques conciliant activité agricole et préservation des milieux humides.
    Le programme d'action CatZH

    Depuis Août 2011, l'ADASEA réalise un programme d'actions qui est basé sur:

    l'amélioration des connaissances et notamment des pratiques agricoles réalisées sur ces milieux,
    l'information et la sensibilisation des propriétaires, des agriculteurs et des collectivités locales qui gèrent des zones humides,
    l'animation et la coordination des acteurs sur le terrain au niveau départemental,
    l'accompagnement concret des gestionnaires sur le terrain,
    l'évaluation des préconisations proposés aux gestionnaires et plus largement de l'ensemble du programme.

    Des fiches techniques ont ainsi pu être réalisées ; elles décrivent de manière simple les préconisations de gestion selon le type de milieu humide.

    La Cellule d'Assistance Technique aux Zones humides est également chargée de réaliser les diagnostics agricoles et écologiques en amont d'une Mesure Agro-Environnementale et Climatique ZH.


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  3. PREVOST Hervé7 avril 2023 à 06:08

    Bonjour Alessandro Pignocchi, je cherche à vous joindre par mail pour vous adresser une sollicitation d'intervention. Pouvez vous s'il vous plait m'écrire à : hprevost@francas.asso.fr ? D'avance merci pour votre attention, bien cordialement.

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  4. Merci d'avoir créé ce blog et d'aider les autres à apprendre

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  5. Bonjour,

    je cherche à joindre Philippe Descola. Savez-vous si son mail du collège de france est toujours actif? Vous pouvez me joindre directement à cette adresse: sebastien.facchinetti@gmx.fr. En vous remerciant.

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  6. Bonjour,

    Voici une sollicitation de plus à la longue liste de prises de contact sur ce blog ! Pourriez-vous m'écrire à julien@obs-besancon.fr pour que je vous propose une intervention ?

    Merci beaucoup !

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  7. Bonjour Alessandro Pignocchi, je cherche à vous joindre par mail pour vous adresser une sollicitation. Enseignant-Chercheur à l’Université, et responsable d’un numéro spécial de la revue Nature et Récréation, j'aimerais vous contacter pour vous proposer une collaboration (et vous envoyer l’appel à textes). Comment puis-je vous contacter ? Bien à vous. Vous pouvez me joindre directement à cette adresse : fredguyon@ecomail.fr

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  8. Tout le monde vous lit, et cherche à vous contacter comme il peut, par l'interposition de votre blog. Vous êtes devenu une rockstar ! Je m'y tente moi aussi, vu que je fais parti du "monde" ; pour une petite suggestion qui me semble pertinente, une envie profonde en fait. J'adorerai voir votre anthropologue achuar couvrir la question du sport. Une étude ethnographique sur les gens qui essayent de courir vite, de sauter très haut, entouré d'autres gens qui tapent dans leurs mains, et tout ce qui accompagne ces rituels, ça pourrait être poilante et très éclaircissant. Je ne sais pas si ça fait partie de vos projets ou si vous en avez le temps, mais avec tous les événements sportifs qui se trament, le rugby et surtout le truc à Paris, d'ici un an, il y aurait matière à dire, dessiner, penser. Bonne journée !

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  9. Oh! Oui......D'accord avec anonyme du 26 Août2023 ! Le SPORT !!!!!! et ses rituels obscurs !

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